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Rabat, capitale moderne et ville historique : un patrimoine en partage
Dès l’aube du Nouveau règne, Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, impulse une puissante dynamique de conservation et valorisation du patrimoine culturel à travers l’ensemble du Royaume. Sa ferme détermination à sauvegarder les différentes strates de la mémoire nationale se conjugue, à Rabat, avec la volonté royale de hisser la capitale économique du Royaume au rang de métropole soucieuse de l’équilibre entre nature et culture, entre patrimoine et développement.
Placée sous la Présidence effective de Son Altesse Royale La Princesse Lalla Hasnaa, la Fondation pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel de Rabat se voit confier la veille, la synergie des acteurs concernés par la sauvegarde du patrimoine ainsi que la sensibilisation, la promotion, la promotion et l’évaluation de l’état de conservation du bien inscrit.
Le déploiement d’une multitude d’actions telles que l’inscription de monuments historiques sur la liste du patrimoine national, le classement de sites d’intérêt ou encore la signature d’aménagements de plusieurs ensembles urbains s’inscrivent dans un processus continu et pérenne. Cette démarche est renforcée par l’introduction d’une proposition d’inscription de la ville sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO qui induit un important travail d’identification du bien inscrit et un engagement fort de réhabilitation et revalorisation de toutes ses composantes. Le dossier introduit auprès de l’organisation onusienne inclut plusieurs ensembles à haute valeur patrimoniale ayant chacun une signification singulière, car témoins d’un long continuum historique. La notion de partage, introduite dans le dossier d’inscription, souligne l’appartenance de ces différents éléments à une histoire particulière, celle du Maroc, et leur ouverture sur les apports exogènes, toutes époques et cultures confondues. En 2012, l’UNESCO inscrivait officiellement « Rabat, capitale moderne et ville historique : un patrimoine en partage » sur la Liste du patrimoine mondial, affirmant ainsi la valeur universelle exceptionnelle de la capitale du Royaume du Maroc.
Idéalement situé face à l’Atlantique, sur la rive gauche de l’embouchure du fleuve Bouregreg, ce site peut se prévaloir d’une occupation humaine remontant à la préhistoire et d’une riche et foisonnante histoire dont la ville a préservé les empreintes jusqu’à nos jours. Conçue et construite au début du XXe siècle, la ville Moderne de Rabat représente l’un des plus grands et des plus ambitieux projets urbains réalisé en Afrique au siècle dernier, et probablement le plus complet à ce jour. Les bâtisseurs de l’époque ayant heureusement pris soin de préserver le patrimoine existant.
RABAT, UN SITE D’UNE VALEUR UNIVERSELLE EXCEPTIONNELLE
Ainsi que le souligne le dossier d’inscription de Rabat à la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, la ville Moderne remplit deux critères à même de qualifier la valeur universelle exceptionnelle (VUE) d’un site : un lieu d’échange d’influences considérable (critère II) et un exemple éminent d’ensemble architectural illustrant une période significative de l’histoire humaine (critère IV).
Un lieu d’échange d’influences considérable
Se référant au critère II, l’ensemble urbain, les monuments et les espaces publics de le ville Moderne de Rabat témoignent de manière unique de la diffusion des nouveaux courants du début du XXe siècle et de leur adaptation au Maroc ainsi que, en retour, d’une influence marocaine sur l’architecture et les arts décoratifs d’alors. Les architectes et urbanistes européens de cette époque ont non seulement respecté les nombreuses valeurs du patrimoine arabo-islamique antérieur mais ils s’en sont inspirés, adaptant les valeurs modernistes de l’urbanisme et de l’architecture au contexte du Maghreb, tout en s’inscrivant dans la trame de la ville ancienne et de ses nombreuses composantes historiques. Émergent alors un style original et un patrimoine exceptionnel où s’entremêlent les influences de plusieurs grandes cultures de l’histoire humaine : antique, islamique, hispano-maghrébine et européenne.
Un exemple éminent illustrant une période significative de l’histoire
Comme l’évoque le critère IV, certains sites s’avèrent un témoignage majeur de l’époque qui les a vu naître. Il en est ainsi pour la ville Moderne de Rabat. Cet ensemble urbain offre un témoignage éminent et achevé d’urbanisme moderne. Il a été conçu de manière rationnelle, comprenant des quartiers et des bâtiments aux fonctions bien déterminées et aux importantes qualités visuelles et architecturales. Caractérisé par la cohérence de ses espaces publics et par la mise en œuvre d’idées hygiénistes (réseaux d’acheminement de l’eau, rôle de la végétation, etc.), le périmètre classé réunit des quartiers à l’identité bien affirmée : la médina et la Qasba, les quartiers résidentiels des classes moyennes de la ville Nouvelle, ou encore le quartier néo-traditionnel des Habous de DiourJamaâ. La ville Moderne concrétise ainsi un urbanisme précurseur, soucieux de la conservation des monuments historiques et de l’habitat traditionnel.
Les éléments patrimoniaux intégrés dans le site inscrit :
– LA VILLE NOUVELLE
Construite sur base du plan d’aménagement signé par Henri Prost en 1914, la ville Nouvelle se développe au sud de la médina, à l’intérieur de l’enceinte almohade, sur le site même où Yaâqoub El Mansour avait projeté, sept siècles plus tôt, la création d’une grande ville.
Le centre urbain est disposé autour d’un axe urbain principal, l’avenue du Makhzen (actuel boulevard Mohammed V). Cette longue artère est organisée en deux séquences. La première, étroite à caractère commercial, crée une transition avec la médina. La seconde, plus large et monumentale, reçoit les administrations et les services gérés par l’État central (la Poste, la Gare ferroviaire, le Tribunal, la Trésorerie, la Banque du Maroc) en plus d’hôtels prestigieux et d’une enfilade d’élégantes boutiques au-dessus d’immeubles de rapport qui mêlent les styles Néo-classique, Art Nouveau, Art Déco ou moderneà la grammaire architecturale arabo-andalouse. L’axe urbain se prolonge vers BabZaër où l’on retrouve, à gauche le quartier de la Résidence générale du Protectorat français et à droite, le Palais impérial dans le quartier de Touarga.
Née à une époque où les idées de l’hygiénisme se propagent, la ville Nouvelle est pourvue de canalisations souterraines pour l’évacuation des eaux usées, de nombreux espaces verts, de places et de larges allées laissant pénétrer la lumière
– LE QUARTIER HABOUS DE DIOUR JAMAÂ
Situé à quelques centaines de mètres de Bab El Had, sur l’avenue Hassan II, ce quartier se construit à partir de l’année 1917 pour désengorger l’ancienne médina qui est alors saturée et ne peut accueillir une nouvelle population attirée par cette ville en plein développement, depuis qu’elle a été élevée au rang de capitale en 1912. Réalisé par l’architecte A. Laprade et projeté par deux autres architectes français, Cadet et Brian, le quartier Habous de DiourJamaâ suit le modèle urbanistique et architectural traditionnel des médinas marocaines tout intégrant les idéesmodernistes. De tracé régulier, les artères distribuent de part et d’autre des ruelles et des impasses coudées. L’ensemble forme une unité urbaine autonome comprenant des logements et des équipements à l’intérieur du quartier (hammam, four, école…) et à l’extérieur (mosquée).
– LES JARDINS HISTORIQUES DE RABAT
A l’avant-garde d’un mouvement international naissant, celui des cités-jardins, le Résident général Lyautey souhaitait faire la nouvelle capitale du Maroc « une cité verdoyante et fleurie ». Aussi, va-t-il confier à Jean-Claude N. Forestier, réalisateur de nombreux parcs et jardins célèbres de par le monde, la mission de planifier une croissance urbaine définie et contrôlée par un système d’espaces libres, de jardins publics, mis en réseau par une voirie strictement hiérarchisée. La capitale du Maroc peut se targuer de plusieurs espaces verts emblématiques, tels que le Jardin d’Essais, le plus grand jardin public de Rabat créé en 1914, le Jardin Nouzhat Hassan (ex Jardin du Triangle de vue), les Jardins de la Résidence Générale ou l’Avenue-promenade de la Victoire. Cette volonté de donner droit de cité aux espaces verts s’est d’ailleurs poursuivie sans discontinuer depuis l’indépendance avec notamment, l’inauguration du Parc Hassan II en 2020. Il est à noter que la capitale a été déclarée « ville Verte » le 22 avril 2010, lors de la célébration du 40ème anniversaire de la Journée de la Terre.
– LA MÉDINA
Située à proximité de la Qasba des Oudaïa, la médina occupe 91 hectares compris entre le cimetière de Laâlou (une bande tampon la séparant de l’océan Atlantique), l’enceintealmohade (à l’Ouest), la muraille andalouse (au Sud) et le Bouregreg (à l’Est). Dans ses ruelles et impasses irrégulières, les habitations traditionnelles sont regroupées en ensembles enclavés constitués d’îlots groupés autour de grandes demeures bourgeoises dont les murs aveugles ne laissent rien deviner de la splendeur architecturale intérieure de certaines d’entre elles. La rue Souiqa (appelée aussi Souk as-Sabbat, littéralement « Rue des chaussures ») et la rue des Consuls sont de précieux points de repère. Cette dernière, tracée à l’époque de la petite république éphémère de Bouregreg (XVIIe siècle) a préservé son charme d’antan. Des siècles durant, elle était l’artère préférée des grands commerçants et des délégations étrangères qui y ont élu domicile jusqu’en 1912. Si la plupart des demeures de la médina restent fidèles à l’architecture traditionnelles, plusieurs arborent un style européen. Le Mellah, le quartier oùse concentrait traditionnellement les familles juives, était aménagé au Sud-Ouest.
La médina abrite de véritables trésors architecturaux, synagogues, fondouks, mosquées, zaouïas, fontaines, hammams et demeures ancestrales des grandes familles rbaties, entourés de borj, d’une enceinte morisque et de remparts et portes almohades.
– LA MOSQUÉE DE HASSAN ET LE MAUSOLÉE MOHAMMED V
Située au Nord-Est de la ville, sur une petite colline dominant l’estuaire et la vallée du Bouregreg, ce site est l’œuvre du calife almohade Yaâcoub El Mansour qui lança, en 1184, la construction de ce qui devait être la plus vaste mosquée de l’Occident méditerranéen, projet qui fut abandonné peu avant son décès en 1199. Le minaret, inachevé, et la succession de piliers en pierres cylindriques superposées imposent leur présence et sont, depuis des siècles, un repère urbain puissant, symbole de la ville. Surplombant l’estuaire du Bouregreg, le minaret assure la jonction visuelle entre les villes jumelles de Rabat et Salé. Depuis 1969, le mausolée Mohammed V a ajouté sa magnificence à ce site. Cette coupole funéraire directement inspirée des nécropoles dynastiques mérinide et saâdienne est surmontée d’une voûte somptueusement ornée et coiffée à l’extérieur d’un toit pyramidal en tuiles vertes. Par une galerie-balcon, les visiteurs peuvent accéder à la salle funéraire et se recueillir sur les tombeaux du Roi Mohammed V ainsi que de ses fils, Moulay Abdellah et le Roi Hassan. Ce chef d’œuvre architectural offre une synthèse brillante des arts décoratifs marocains qui puisent leurs racines dans un savoir-faire développé et transmis depuis des siècles.
– LES REMPARTS ET LES PORTES ALMOHADES
Avec la Mosquée de Hassan, ces remparts font partie de Ribat-al-Fath, le grandiose projet urbain inachevé du calife almohade Yaâcoub El Mansour. Probablement achevés en 1197, les remparts s’étendent sur près de 1 200 mètres de long et encerclent une superficie de 450 hectares. Ils sont flanqués de 74 tours et perchés de trois grandes portes (BabLaâlou, Bab El Had et BabRouah) ainsi qu’une porte plus petite, BabZaër. Chacune est précieusement décorée de motifs gravés. BabRouah, remarquable tant au niveau de sa forme architecturale que de son décor, avait une fonction militaire importante. Elle est aujourd’hui, comme BabLakbir, une galerie d’art réputée.
– LA QASBA DES OUDAÏA
Se dressant au Nord-Est de la ville, sur un promontoire rocheux, la Qasba domine les médinas de Rabat et Salé, la côte atlantique et l’embouchure du Bouregreg. Cette forteresse médiévale, siège temporaire du pouvoir almohade, constituait le premier noyau de la ville. Le site garde la trace des Morisques, familles musulmanes expulsées d’Espagne, qui bâtirent des ouvrages de défense pour renforcer la protection de la Qasba des Oudaïa mais c’est bien la dynastie alaouite qui, au XVIIe siècle, la dotera de ses bâtiments les plus emblématiques dont l’enceinte de Moulay Rachid et l’élégante et magistrale résidence princière, achevée sous le règne du sultan Moulay Ismail pour son fils, gouverneur de la région de Rabat-Salé.
Depuis le XXe siècle, la Qasba des Oudaïa s’est vue agrémentée d’un luxuriant jardin andalou. Dessiné par Maurice Tranchant de Lunel, le premier inspecteur des Monuments Historiques du Maroc, ce jardin est fermé au regard extérieur. Il faut franchir une discrète porte en ferronnerie pour découvrir toute la richesse de ses senteurs et de ses couleurs. Bordées d’arbres fruitiers et de fleurs, les allées conduisent à une porte basse, donnant accès au café maure, une terrasse aménagée qui offre une vue impressionnante sur la médina de Salé et l’embouchure du Bouregreg.
– LE SITE ARCHÉOLOGIQUE DU CHELLAH
Sur la rive gauche du Bouregreg, trône l’élégante silhouette du Chellah. Occupé depuis la plus haute antiquité, (VIIe et Ve siècles avant J.-C.), ce site est mentionné par les auteurs romains sous le nom de Sala. Des fouilles ont permis de dégager les traces de cette grandeur passée, matérialisée par les vestiges de temples, de thermes, d’une basilique ou encore d’unforum ou d’un capitole. Sur les ruines de cette cité antique, les Mérinides viennent édifier, à la fin du XIIIe siècle, une nécropole entourée d’imposants remparts qui donnent aujourd’hui encore toute sa splendeur au Chellah. Le site ayant été abandonné au XVIIIe siècle, la nature y a repris ses droits, transformant spontanément le lieu en un jardin enchanteur paré d’orangers et de plantes sauvages d’où émergent ici et là des coupoles blanches, sépultures d’hommes saints. La restauration récente du Chellah lui a redonné toute sa splendeur.
– LA ZONE TAMPON ET LA MÉDINA DE SALÉ
La zone tampon qui s’étend sur une surface de 852 hectares est en majorité constituée de quartiers résidentiels datant du siècle dernier qui regorge de monuments et de sites historiques dont la valeur est indéniable.
La partie ouest et sud-ouest, formée des quartiers résidentiels L’Océan, Marassa, Les Orangers, Les Jardins de l’Agdal et Al-Qbibat, se prolonge jusqu’à la Corniche de Rabat bordant l’Atlantique. Outre de multiples maisons traditionnelles marocaines et des ensembles de villas modernes remarquables, cet espace abrite des sites historiques majeurs.
Entre les habitations, une partie des anciens aqueducs qui alimentaient en eau la ville de Rabat depuis le Moyen Âge est encore visible. Certains vestiges se rattachent à l’aqueduc d’AïnGhboula (datant du XIIe siècle, œuvre du sultan Abd el Moumen, fondateur de la dynastie almohade), d’autres à l’aqueduc d’AïnAtiq (construit au XVIIIe siècle par le sultan alaouite Sidi Mohammed Ben Abdellah).
Autres monuments datant du XVIIIe siècle, Bab al-Qbibat et Bab Marrakech sont les seules portes restées intactes des quatre portes initiales qui perçaient le Rempart Alaouite. Construite à la fin du XVIIIe siècle, cette enceinte de 4 300 mètres, partait de l’Océan, englobait une partie de l’Agdal et aboutissait à l’extrême sud-est des remparts almohades.
Face à l’Océan, se dresse l’imposant Fort Hervé, également connu sous les noms d’Al Borj al Kbir ou Fort Rottembourg.Édifié à la fin du XIXe siècle, il était destiné à renforcer la défense du littoral. De forme rectangulaire, ce bâtiment en béton et maçonnerie communiquait jadis avec des casemates servant de logements à la garnison et de dépôt de munition. Il abrite aujourd’hui le Musée National de la Photographie. Les visiteurs peuvent également y découvrir sa batterie de canons modernes qui pointent vers le large.
Situé dans le quartier de l’Agdal et surplombant le Jardin d’Essais botaniques, le Jardin du Belvédère est un magnifique exemple des « aménagements de vues » cher à l’urbaniste et architecte paysager Jean-Claude Nicolas Forestier.
La partie nord-est de la zone tampon est constituée des quartiers résidentiels Haut-Hassan (ancien Petit Jean) et Le Riche. Cependant, la majorité de sa surface est représentée par la vallée du Bouregreg. Cette zone humide salée est parcourue par l’oued qui serpente la large plaine alluviale de l’Oulja avant de se jeter dans l’Océan. Site d’intérêt biologique notable, la vallée du Bouregreg héberge nombre d’oiseaux, d’amphibiens et de poissons, dont certaines espèces rares.
Composante essentielle de la vallée du Bouregreg, la médina de Salé partage avec sa sœur jumelle de la rive droite une histoire commune, connaissant un important développement à l’époque des Almohades et des Mérinides qui dotent la ville de joyaux architecturaux comme la grande mosquée almohade, troisième par ordre de grandeur du Maroc, les remparts mérinides et son imposante porte Bal el-Mrissa ou encore le borjAddoumoue, construit à la même époque, et classé patrimoine national depuis 1914. Avec l’arrivée des Morisques andalous aux XVIe et XVIIe siècles, la cité devient un centre actif de courses, l’audace des corsaires de Salé était d’ailleurs réputée jusqu’en Angleterre. Connue aussi pour être, depuis des siècles, le refuge d’ascètes et d’hommes pieux, la médina est un haut lieu de culture et de vie religieuse qui peut s’enorgueillir d’un grand nombre de riadshispano-morisques, zaouïas, marabouts et bibliothèques.